La crainte d’une troisième guerre mondiale : analyse, risques et perspectives
Appréhension d’un conflit global : perspectives et risques actuels
L’auteur contribue aux recherches de la Chaire Raoul-Dandurand, ses contributions portent sur l’analyse de la dynamique politique états-unienne.
La confrontation militaire qu’a subie l’Ukraine récemment s’inscrit comme le plus vaste affrontement sur le sol européen depuis la fin du second conflit mondial. En parallèle, au Moyen-Orient, Israël et les territoires palestiniens sont le théâtre de tensions exacerbées, évoquant le spectre de la guerre du Kippour après un demi-siècle. De plus, l’ombre d’une attaque chinoise sur Taïwan demeure omniprésente.
Face à ces événements, divers commentateurs, incluant l’historien britannique conservateur Niall Ferguson, l’investisseur américain George Soros et le penseur israélien Yuval Noah Harari, se sont interrogés sur la probabilité d’une troisième guerre mondiale. La réponse, teintée d’un optimisme modéré, tend vers la négation de cette hypothèse à brève échéance, sauf circonstances exceptionnelles.
Le conflit ukrainien : une guerre à sa juste échelle
Tout en reconnaissant la sévère réalité humaine de la guerre en Ukraine et les exactions des forces commandées par Vladimir Poutine, il est crucial de contextualiser l’affrontement. Les comparaisons souvent établies entre Poutine et Hitler peinent à tenir la route aujourd’hui. Plus d’un an après son agression contre l’Ukraine, Poutine n’exerce son contrôle que sur une fraction du territoire, alors qu’Hitler, en son temps, avait déjà dominé une bonne partie de l’Europe.
Certains arguent que l’occident, et en particulier les États-Unis, freinent l’extension de Poutine contrairement au parcours impérial d’Hitler, mais il faut nuancer : l’engagement russe en Ukraine se caractérise par des faiblesses numériques et logistiques considérables en comparaison à la Wehrmacht nazie. Il est donc irréaliste de prétendre que sans résistance, Poutine aurait pu reproduire le rapide enchaînement des conquêtes hitlériennes.
La crainte d’une escalade demeure, alimentée par les alliances, directes ou sous-jacentes, des protagonistes. Toutefois, malgré la perduration du conflit et l’absence d’appétit pour des pourparlers de paix, l’idée d’une intervention militaire concrète demeure marginale. Même quand un missile russe s’échoua sur la Pologne, membre de l’OTAN, la réaction fut mesurée et aucun mouvement vers une offensive militaire ne fut sérieusement envisagé.
À dessein ou non, chaque prétendu casus belli potentiel a été écarté. La perspective d’une montée en puissance militaire demeure pour l’instant largement non souhaitée.
L’influence décisive des États-Unis
Un point à ne pas occulter est que l’implication directe des États-Unis paraît nécessaire pour parler de guerre mondiale. Historiquement, les guerres initialement européennes ne prirent cette envergure qu’après l’adhésion des américains, souvent deux ans et demi après le début du conflit.
Pour rejoindre les belligérances, les États-Unis ont auparavant requis une attaque directe sur leur territoire et une motivation politique pour que le gouvernement s’engage fermement. Les provocations maritimes allemandes en 1917 et surtout l’assaut japonais sur Pearl Harbor en 1941 sont les exemples les plus flagrants qui ont suscité une unanimité nationale pour la guerre.
Cependant, la popularité actuelle d’une intervention américaine en Ukraine demeure exceptionnellement basse et impliquerait de nombreux clivages politiques, notamment au sein même du parti démocrate. Un ordre de déploiement américain risquerait de diviser plus qu’unifier la population, dans un contexte politique particulièrement tendu.
Si l’horizon n’annonce pas un retour imminent à la paix en Ukraine ou au Moyen-Orient, nous pouvons, malgré tout, tempérer nos angoisses quant à l’éventualité d’une guerre de portée mondiale dans un avenir immédiat.